Ce matin, je voudrai m’adresser au Préfet Mirmand, au Ministre de la Transition Ecologique, au Premier Ministre et au Président Macron. Messieurs, je crois que nous nous connaissons assez mal. Je voudrai donc vous faire une petite confidence et vous dire vraiment qui je suis.
Je suis le cheval Camargue, robuste et fougueux, sous le regard menaçant du taureau qui pointe le diamant noir de sa corne.
Je suis le mouton de Crau, le Mérinos, pas celui de Panurge, non.
Je suis l’aigle de Bonnelli survolant les Alpilles. Je suis le flamant aux ailes pourpres et d’Argence. Je suis le coussoul, le poudingue, la prairie et les marais. Je suis la Mer et le sable doré. Je suis le foin de Crau, le riz, le sel, les huiles et olives de la Vallée des Baux, l’agneau de Sisteron, les vins des Costières, les fruits et légumes de nos maraichers et de nos vergers.
Je suis le Rhône et son chaland, le buste de César, le théâtre antique et les arènes, l’abbaye de Montmajour, le château de Tarascon et celui de Beaucaire.
Je suis tout cela et bien plus encore. Je suis un territoire béni des dieux, le triangle d’or de la biodiversité reconnu comme tel dans le monde entier.
Cette fierté, je la dois à mes ancêtres : le Marquis Folco de Baroncelli, Fréderic Mistral, Joseph d’Arbaud, Alphonse Daudet, Théodore Aubanel et le Félibrige. Je suis les tableaux de Van Gogh, de Léo Lélée et ceux de Picasso.
Ma beauté, je la dois aussi à toutes celles et ceux qui ont su la préserver. Tous les habitants de la Camargue, de la Crau, des Alpilles et de la Terre d’Argence, qui font du respect de l’environnement leur combat pour la modernité. Je suis vous, ici et maintenant et je serai la nourrice et le parrain de vos enfants.
Je suis la terre que vous chérissez, l’eau que vous buvez, le soleil qui vous donne le sang chaud. Je suis nature, culture et agriculture.
Depuis vos grands bureaux parisiens, vous voulez dresser une ligne à 400.000 volts. Moi je leur souhaite, tous les jours, 400.000 oiseaux, 400.000 agriculteurs, 400.000 enfants innocents qui courent dans les champs. Vous envisagez de produire de l’électricité en alternatif. Je leur souhaite de l’amour, du travail et du partage en continu. Vous voulez leur vendre votre hydrogène. Je leur offre gratuitement l’oxygène dont ils ont besoin pour vivre et respirer.
Vous n’avez donc rien compris. Votre ignorance est la forme ultime du mépris. Vous ne savez donc pas qui je suis. Mais, méfiez vous de moi, de ma légendaire douceur et de mon calme apparent.
Je suis aussi les orages cévenols, le fleuve qui déborde, la mer qui monte et les incendies. Je suis le Mistral qui arrache tout sur son passage. Des rafales violentes qui mettront à terre à jamais tous les pylônes de la colère.
Et par-dessus tout, oui, par-dessus tout, je suis la solidarité entre les populations. Pas une simple émotion dictée par l’urgence de la situation. Je suis la solidarité comme une véritable stratégie révolutionnaire.
Oui, je suis leur territoire de prédilection, une terre pour des femmes et des hommes d’exception. Oui, je suis un des plus beaux endroits du monde. Et, mes amis, je compte bien sur vous pour le rester, encore très longtemps.